Créée en 2022 au Chenit, La Scène est un espace pour la jeunesse qui a pour vocation d’offrir des possibilités de rencontres, d’écoute, d’information, de discussions, de jeux et d’activités diverses liées aux différentes formes d’expressions sociales et culturelles des jeunes. Cyril Maillefer, responsable de ce lieu, et Raffaela Cantone Meylan, conseillère municipale en charge de cette thématique au sein de la commune nous en apprennent davantage.
Questions à Cyril Maillefer, délégué à la cohésion sociale et responsable de « La Scène »
Pourriez-vous nous décrire en quelques mots ce qu’est La Scène ?
La Scène se définit comme un espace culturel et social jeunesse dans lequel prennent place toute une palette d’activités correspondant aux intérêts de la jeunesse locale. On aime bien dire que c’est un « centre jeunesse 2.0 » parce qu’on a maintenu le fond avec des accueils libres, des jeux, des repas collectifs, tout y ajoutant d’autres aspects orientés « événementiel ». La structure a été créée en août 2022 pour les 12 à 25 ans. Dès le début, les plus jeunes sont venus en nombre puis on a été surpris par l’arrivée d’un public de plus de 16 ans qui avait d’autres attentes. Nous avons alors dû créer des horaires différenciés pour chaque tranche d’âge et des activités pour chacune. Cela a été un défi auquel on a répondu par la création d’un comité des jeunes. Ils ont été nos « chargés de projet ». Ce lieu, ils l’ont imaginé, orienté et aujourd’hui ils le portent avec nous. Ils sont une vingtaine entre 13 et 20 ans et c’est super de travailler avec eux !
Pour bien comprendre le concept, il faut peut-être souligner que nous proposons un lieu qui s’adapte aux rythmes des jeunes et non l’inverse. Si l’on doit fermer le lieu à minuit ou à 1 heure du matin, on le fait. Concrètement, on ouvre à 16h pour la sortie de l’école puis dans la soirée on change de public et le lieu devient interdit aux moins de 16 ans. C’est fluide. Nous pouvons ainsi avancer sur un modèle de prévention active en étant au contact et au plus près des réalités vécues par les jeunes. On ne dit pas qu’ainsi on réduit toutes les incivilités en rue mais on contribue certainement à réduire les comportements à risque, notamment autour de la consommation d’alcool.
« En 2024, on a proposé 25 concerts, du théâtre, de l’humour, des courts-métrages et une dizaine de soirées dj’s. Cela joue sur l’image du lieu qui est devenu tendance. »
La Scène semble très axée « culture », pourquoi avoir choisi cet axe ? Etait-ce l’attente des jeunes ?
Il y avait un manque que nous avions identifié, le nom de la structure en disait déjà beaucoup et la configuration des locaux s’y prêtait. Donner une place aux musiques actuelles, électroniques et à d’autres formes d’expression artistique, c’était répondre à une attente. L’impulsion est aussi venue des jeunes. Rapidement, ils sont venus proposer un ami dj, demander un concert de tel ou tel style ou prendre le micro pour un rap. On a eu la chance de pouvoir y répondre grâce à une fondation locale qui nous a permis d’équiper la salle avec une scène entièrement professionnelle, de la sonorisation au lightshow. Cela a été un formidable accélérateur ! En 2024, on a proposé 25 concerts, du théâtre, de l’humour, des courts-métrages et une dizaine de soirées dj’s. Cela joue sur l’image du lieu qui est devenu tendance. Avoir le sweatshirt du staff « La Scène » c’est le Saint Graal, les jeunes le portent à l’école comme au gymnase !
Cela permet de relever que La Scène intègre une dimension intergénérationnelle avec des soirées et des concerts ouverts à la population. Elle y vient en nombre. Il y a un aspect extrêmement valorisant qui mobilise les jeunes. A l’organisation, à la technique, au bar ou en cuisine, ils engrangent une somme d’expériences incroyable. Du point de vue du travail social, ce modèle « intergénérationnel » poursuit également un objectif de prévention sous l’angle communautaire. Lorsqu’on voit un groupe de jeunes qui discute avec un monsieur de 70 ans, on espère que si les mêmes se croisent un soir dans un parc, entre musique sur le téléphone et promenade du chien, ils se salueront avec respect. Notre centre jeunesse c’est une place de village plutôt qu’un entre-soi qui ne ferait que renforcer leur éloignement de la communauté.
Quel est votre rôle au sein de La Scène ?
Le métier a un côté « couteau suisse » qui est passionnant. Il y a le cœur qui consiste à créer des liens, planifier et organiser des activités, proposer un lieu « sécure et sécurisé », développer des actions de prévention individuelles et collectives. Puis, il y a tout l’entourage qui va de gérer le matériel et la logistique à rechercher des fonds et des artistes. Enfin, il faut beaucoup communiquer. Autant sur les réseaux sociaux pour les jeunes qu’auprès des autorités et de la population, le temps dévolu à la communication est important. A La Scène, on fait du travail social tout en étant programmateur, gérant de bar, cuisinier, animateur, graphiste, ingénieur son, etc.
Quel bilan tirez-vous de La Scène depuis son ouverture ? Quelle évolution est envisagée pour celle-ci ?
Depuis l’ouverture, on se dit souvent qu’on a de la chance. Le lieu est bien fréquenté. Les jeunes se sentent « chez eux ». Les retours des autorités sont extrêmement positifs. On a mis beaucoup d’énergie pour créer cette dynamique mais tout fonctionne. Aujourd’hui, nous avons créé une belle boîte à outils qui se transforme en fonction des publics et des activités. On peut passer d’un accueil libre avec babyfoot, billard, gaming à une salle de concert de 100 places, d’une discothèque à un cinéma. Tout est modulable. C’était un pari de positionner ce projet hors du modèle traditionnel des centres jeunesse. On a pu le faire grâce à une Municipalité qui a aussi assumé une partie du risque tout en nous laissant beaucoup d’autonomie. A l’avenir, cet espace évoluera sûrement vers d’autres réalités et d’autres activités. Les aspirations des générations qui montent ne seront pas les mêmes. La Scène devra rester souple et à l’écoute pour accompagner ces évolutions.
Questions à Raffaela Cantone Meylan, conseillère municipale au Chenit
La création de ce lieu a-t-elle découlé de la mise en place d’une politique jeunesse par la commune ?
Aujourd’hui, la commune du Chenit n’a pas encore de politique jeunesse. Souvent, il est considéré que la mise en place d’une politique est un préalable au développement de prestations. Nous avons pris l’enjeu par l’autre bout en ouvrant d’abord un espace d’accueil permettant de rencontrer les jeunes et d’écouter leurs besoins. Ce sont eux les experts. La politique jeunesse viendra. Cependant, si l’on regarde l’offre par tranche d’âge, nous avons déjà les contours de la future politique jeunesse. Notre dispositif est complet pour tous les âges, de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte.
« Notre souhait est que toute notre jeunesse, dans ses différentes composantes, trouve son intérêt à vivre ici et puisse s’identifier à sa commune. »
La mise en place de ce lieu a-t-elle été ardue ? Est-ce une thématique à laquelle le monde politique était sensible ?
Lors du lancement du centre jeunesse, nous avons pu compter sur le soutien du Conseil communal et des autorités des deux autres communes qui participent au projet : L’Abbaye et Le Lieu ainsi que sur un soutien financier de l’Etat de Vaud. C’était réjouissant de se sentir appuyé. Il y avait une prise de risque en se lançant comme on l’a fait mais nous voulions aller vite. Nous sortions de la pandémie du COVID et les signaux qui nous parvenaient de la jeunesse étaient inquiétants. On parlait de la montée des problématiques liées à la santé mentale et à l’isolement. Nous voulions offrir une réponse claire et immédiate. Nous avons monté le projet en une année et on a ouvert, c’était rapide.
Quels conseils donneriez-vous aux communes qui envisagent de mettre en place une telle structure / une politique jeunesse ?
Il est crucial que les communes investissent pour leur jeunesse. Ici, nous mettons passablement de moyens dans le développement des infrastructures sportives, le soutien aux associations et sociétés locales. Aujourd’hui, avec l’ouverture du centre jeunesse, nous avons complété l’offre disponible. Notre souhait est que toute notre jeunesse, dans ses différentes composantes, trouve son intérêt à vivre ici et puisse s’identifier à sa commune.
Photos © La Scène