C’est après vingt ans d’échanges scolaires que la commune de Bex et la ville allemande de Tuttlingen se sont officiellement jumelées. Alain R. Michel, secrétaire municipal à Bex et président de la commission de jumelage, nous conte l’histoire de ce lien d’amitié entre les deux cités, né de l’impulsion de deux hommes.
Comment le jumelage entre les deux communes a-t-il commencé ? Quelles relations les deux communes entretenaient-elles avant qu’un jumelage soit officialisé ?
C’est un pur hasard qui est à l’origine du jumelage entre Bex et la ville allemande de Tuttlingen, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Schaffhouse. En 1958, René-Albert Houriet, alors directeur des écoles de Bex, rencontre Rudolf Gauger, directeur du gymnase de Tuttlingen ; ils parlent de contacts linguistiques, d’échanges scolaires.
Le projet se concrétise moins d’une année plus tard : une classe vaudoise se rend en Souabe tandis qu’une classe allemande visite le Chablais. Depuis, chaque année, de jeunes Bellerins sont reçus par des familles de Tuttlingen ; ces dernières envoient à leur tour, quelques semaines plus tard, un enfant à Bex. Si la durée de ces échanges était de trois mois à l’origine, elle s’est progressivement réduite à dix jours. Ainsi, plusieurs centaines d’écoliers des deux pays ont appris à connaître et aimer une région qu’ils ne connaissaient pas.
A Pentecôte 1978, après vingt ans d’échanges scolaires, le bourgmestre Walter Balz et le syndic Aimé Desarzens décident de proposer à leur législatif respectif le jumelage des deux cités. C’est fait en septembre de la même année en Allemagne, huit mois plus tard en Suisse. On est toujours un peu plus lent de ce côté-ci du Rhin ! Ce qui fait écrire à la presse souabe, lors de la première visite des autorités bellerines, en juin 1979 : « Elles ont mis du temps à venir mais enfin elles sont venues ! »
Quel type d’échanges existe-t-il entre les deux communes ?
Outre les échanges scolaires (une trentaine d’élèves de Tuttlingen étaient à Bex, du 7 au 18 octobre 2024, et un séjour des Bellerins à Tuttlingen est prévu du 7 au 17 avril 2025), les échanges entre les diverses sociétés sont réguliers. Tant les sociétés de musique que sportives font régulièrement le déplacement dans la ville jumelle. Les aînés et les ministres des divers cultes (protestant, catholique et évangélique) sont également de la partie et un service œcuménique est organisé lors de chaque manifestation, tant à Bex qu’à Tuttlingen. Les participations à des manifestations, de part et d’autre, sont courantes.
Il y a deux mois, dix apprentis de diverses entreprises bellerines ont effectué un séjour à Tuttlingen, du 15 au 18 octobre. Ils ont eu la chance de découvrir quelques firmes et de visiter la région. Cinq apprentis de Tuttlingen avaient fait le voyage inverse en 2022.
Les commissions de jumelage des deux cités se rencontrent chaque année. En 2024, la commission bellerine s’est rendue dans le Bade-Wurtemberg. En 2025, les Tuttlingeois seront dans le Chablais. Tous les cinq ans, une grande fête est organisée pour célébrer le jumelage. En 2019, elle a eu lieu à Bex et en 2024, à Tuttlingen.
La barrière de la langue n’est-elle pas problématique pour faire perdurer ce jumelage ?
Elle ne l’est manifestement pas. Si cet aspect peut causer quelques soucis à certaines personnes, les échanges sur les plans politique, culturel, sportif et amical n’ont jamais été remis en question de ce fait. Du côté des commissions de jumelage respectives, les Bellerins ont eu jusqu’ici la chance d’avoir un·e président·e et quelques membres parfaitement bilingues (l’immigration d’outre-Sarine est un avantage indéniable). A l’avenir, c’est Tuttlingen qui bénéficiera d’une présidente qui maîtrise les deux langues. La plupart des membres, des deux côtés, ont des notions suffisantes pour permettre des échanges fructueux.
Existe-t-il des similitudes entre les deux communes (géographie, enjeux, défis, etc.) ?
Les deux communes sont dissemblables, ce qui rend les échanges d’autant plus intéressants. La population de Tuttlingen est de plus de 38 000 habitants, pour 8600 à Bex. L’industrie manufacturière se taille la part du lion chez nos jumeaux, avec plus de 14 000 emplois. Le nombre de travailleurs pendulaires entrant à Tuttlingen est trois fois plus important que celui des employés qui vont travailler à l’extérieur.
Tuttlingen se trouve dans la vallée du Danube, dans le Jura souabe. S’il y a beaucoup de forêts, comme à Bex, le paysage est en revanche très différent, faute de hauts sommets. On ne peut dès lors pas parler de défis communs.
Qu’est-ce que ce jumelage apporte concrètement à l’administration communale de Bex ? Et à sa population ?
Il n’y a pas de retombées économiques liées au jumelage. En revanche, la possibilité offerte aux jeunes Bellerins, en premier lieu, de découvrir un pays, une culture et une langue différents est inestimable. Ces échanges se poursuivent ultérieurement au niveau des sociétés locales. Nous devons constater que, malgré ces interactions régulières, le jumelage reste encore relativement confidentiel, raison pour laquelle un effort va être entrepris sur le plan de la communication pour mettre en valeur les expériences faites par celles et ceux qui ont l’occasion d’y participer.
Du côté des autorités et de l’administration, des échanges ont lieu régulièrement, en principe de cinq ans en cinq ans, ce qui permet à chacun de découvrir des réalités très différentes.
Le jumelage a un coût, de l’ordre de 20 000 CHF par année environ, mais c’est bien peu compte tenu des bénéfices sur le plan humain et culturel. Et c’est une toute petite pierre apportée à la construction d’une société plus ouverte et tolérante.
La charte de jumelage de 1979.
La charte de renouvellement du jumelage de 2024. A chaque fête de célébration du jumelage, soit tous les 5 ans, Tuttlingen prépare une charte de renouvellement. En comparant les chartes de 1979 et 2024, on se rend compte que les motivations du jumelage évoluent au fil du temps.
Phot de couvertue : Devant la maison de commune de Bex, un panneau indique la direction de Tuttlingen. © Commune de Bex