Concilier justice climatique et sociale, un défi de taille pour les communes vaudoises

Rédigé le 05/09/2024


Le 13 juin dernier, des représentant·e·s de neuf communes vaudoises ont participé à la conférence annuelle de la Fédération vaudoise de coopération (Fedevaco), qui réunissait ses partenaires des collectivités publiques et ses organisations membres. L’objectif de la journée était de réfléchir aux imbrications des enjeux sociaux et environnementaux, à l’échelle locale et globale. Un jeu, développé par la Fedevaco, a permis de simuler les effets de différents choix politiques pour le futur.

L’actualité de ces dernières semaines nous le rappelle, les communes vaudoises font face, sur leur territoire, à de multiples enjeux en lien avec la crise climatique. Mais en matière de climat, les frontières n’ont pas beaucoup de sens. Ainsi, deux tiers des émissions de gaz à effet de serre des communes sont émis à l’étranger, par le biais de la consommation et de l’importation.

Outre ces impacts environnementaux, le changement climatique génère et amplifie les inégalités en Suisse et dans le reste du monde. Dans ces interdépendances complexes, le modèle du donut permet d’y voir plus clair et a servi de fil conducteur pour cette journée.

Le modèle du donut comme guide pour les politiques publiques communales



Le donut est une représentation imagée des limites que nous devons respecter pour garantir un espace sûr et durable pour l’humanité. Au centre du donut, les fondements sociaux dont chaque personne, où qu’elle vive, devrait bénéficier (accès à l’eau, à la santé, à l’alimentation, etc.). A l’extérieur du donut, les limites planétaires. De l’acidification des océans au changement climatique, en passant par la perte de la biodiversité, elles sont au nombre de neuf. Aujourd’hui, six d’entre elles sont dépassées, ce qui nous plonge dans un environnement incertain, où l’équilibre qui a permis à l’humanité de prospérer n’est plus garanti.

La forme du donut se dessine entre ces deux limites, environnementales et sociales, et c’est dans cet espace que devraient se déployer toutes les activités humaines pour permettre un avenir sûr et juste à chacun et chacune. Cet outil, clair et parlant, est utilisé par différentes collectivités publiques, à l’instar du Grand Genève, pour imaginer et orienter des stratégies de transition écologique et sociale.

Un quiz pour entrer dans le donut

« Attendez, c’est très bien de revaloriser les déchets de la cantine avec le biogaz, mais peut-être que le mieux serait qu’il n’y ait pas de déchets », les échanges fusent en ce 13 juin, dans une atmosphère bienveillante et enthousiaste. Membres de Municipalités, représentant·es du Canton, déléguée à la durabilité ou responsable d’ONG se penchent sur la liste de questions pour parvenir, ensemble, à réunir les conditions d’un futur désirable pour la Suisse et le reste du monde. Au fil de quatre ateliers tenus par la Fedevaco, la Ville d’Ecublens, Terre des hommes et Action de Carême, les 70 participant·es, regroupé·es en huit équipes, sont invité·es à répondre à quatre questions, sous la forme d’un quiz, en se glissant dans la peau d’élu·es. Leur but : choisir des options qui permettent à la fois de respecter le plafond environnemental, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux, aussi bien dans le canton de Vaud qu’à l’étranger. Au terme de la discussion, les participant·es, aux profils variés, doivent parvenir à un consensus : « ce qui est représentatif de notre réalité d’élu·e, devoir interagir et parvenir à un accord alors qu’on a des parcours et des visions différentes. Ainsi, chacun·e amène ses propres connaissances et préoccupations » précise Karine Clerc, conseillère municipale à Renens.

Atteindre la cible est possible, mais n’est pas facile

Au moment de découvrir les résultats, la surprise était au rendez-vous. Alors que chaque groupe avait confiance en ses choix, seul un groupe sur huit a réussi à concilier au maximum toutes les dimensions. « Arriver à ce résultat était à la fois surprenant et important ! Même dans un milieu où l’on pense connaître les enjeux, on se rend compte qu’on peut passer à côté de quelque chose, et ne pas mener le bon raisonnement. C’est important de prendre conscience de ça, pour mesurer le chemin qu’il reste à faire » réagit Danièle Petoud, conseillère municipale à Ecublens, responsable de la durabilité. Car le barème pour parvenir au donut était sévère, et ce n’était pas un hasard : réussir à amener tout le monde dans un espace sûr et juste ne peut se faire sans efforts. Cependant, aucune réponse n’était mauvaise, et c’est un élément important. Elle ajoute, « cela ne fonctionnera pas si on brandit uniquement le bâton, que l’on fait peur aux gens. Il faut donner envie à tout un chacun, leur montrer qu’on peut trouver des solutions désirables ! Il faut travailler sur les imaginaires. Et ça s’est reflété dans ce jeu, au fil des questions, on se réjouissait de trouver des solutions ensemble. »

Le modèle du donut comme guide pour les politiques publiques communales

Après la présentation de deux scénarios pour 2100 en Suisse et au Sénégal, retour à la réalité d’une commune vaudoise en 2024. Le modèle du donut a-t-il du sens ? Pour Stanislas Gouhier, délégué au plan climat et à la durabilité à Ecublens, c’est un outil important pour élargir les plans climats. « Le discours actuel se focalise sur le CO2, mais il ne faut pas laisser de côté les autres dimensions environnementales. Et si on oublie d’intégrer les éléments sociaux, on va laisser derrière nous beaucoup de personnes, sur nos territoires et au-delà ». On peut citer comme exemple concilier une consommation de proximité avec un budget serré. Il relève que le défi est important pour réadapter les indicateurs aux réalités des communes vaudoises, mais que d’autres ont entamé la démarche et permettent de s’en inspirer.

« Le donut nous rappelle de nous méfier des évidences, et qu’il est important de prendre du recul et du temps pour évaluer ce que l’on fait », ajoute Madame Clerc. « On est parfois trop dans l’action, et cette approche permet de s’interroger sur nos fonctionnements en silo ». Pour la Ville de Renens, partenaire depuis 1995 de la Fedevaco, cette approche rappelle que ça a du sens de « rester connecté à des projets sociaux et écologiques dans d’autres parties du monde. C’est aussi une manière d’être connecté à notre population issue des diasporas » précise-t-elle.



Danièle Petoud, conseillère municipale à Ecublens (au premier plan sur cette photo), a participé à un des quatre ateliers et nous fait part de son retour d’expérience dans cet article.


Pour Madame Petoud, ce support illustré est un formidable support pédagogique, y compris pour présenter ces enjeux complexes. « C’est un très bon outil de communication, pour réfléchir à l’interdépendance entre tous ces enjeux, par exemple sur des thèmes complexes comme l’alimentation. Et cette journée en a été une bonne illustration car ça a été un véritable déclic ! Il faut continuer à se remettre en question, et, comme pour le quiz, réfléchir ensemble à des solutions ». À la fin de cette journée, un constat : concilier justice sociale et environnementale n’est pas un défi facile, mais c’est possible, et c’est essentiel ! 


La Fedevaco met depuis plus de trente ans son expertise au service des communes souhaitant s’engager dans la coopération internationale. Son action se fonde sur l’article 71 de la Constitution vaudoise, qui engage l’Etat et les communes à soutenir la coopération au développement. Elle regroupe 51 ONG ancrées dans le canton de Vaud et joue un rôle de passerelle entre les projets de ces organisations et les collectivités publiques. Plus d’une trentaine de communes vaudoises soutiennent chaque année près de 70 projets. En savoir plus : fedevaco.ch/communes


Photos © Alain Herzog

Article rédigé par Alexandre Cavin, Secrétaire général de la Fedevaco.