Personnes migrantes : situation actuelle et répartition sur sol vaudois

Rédigé le 27/05/2024


L’importance d’un nouveau standard en matière de répartition

La vague sans précédent de migration que nous connaissons depuis le début de la guerre en Ukraine nous a mis face à des défis exceptionnels, mobilisant des ressources importantes, tant cantonales que communales. C’est pourquoi, dans une période tendue, il nous est apparu essentiel de mettre en place un groupe de travail (GT) qui réunit les représentants des deux associations de communes vaudoises, l’Union des Communes Vaudoises (UCV) et l’Association de Communes Vaudoises (AdCV), ainsi que ceux de l’EVAM, du Service de la population (SPOP) et du Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI). S’y ajoutent les contributions de la Direction générale de l’enseignement obligatoire et de la pédagogie spécialisée (DGEO).

Nos objectifs : renforcer le partage d’informations entre tous les acteurs, être à l’écoute du terrain, chercher des solutions ensemble, en particulier au niveau d’une répartition plus équilibrée des migrants dans notre canton.

Grâce aux efforts de tous les membres du GT, nous avons désormais une meilleure compréhension de la situation, des enjeux et surtout une vision objective des ressources potentielles à disposition grâce à cette carte cantonale aux trois couleurs. Les données et les critères sont clairs et reconnus par tous les participants du GT.

Ce travail de longue haleine, mais essentiel, doit maintenant nous conduire à une meilleure répartition des bénéficiaires de l’EVAM ainsi qu’à un renforcement de la coordination entre l’EVAM et les communes lors d’ouverture de foyers.

Au nom du Conseil d’Etat, je remercie toutes les communes pour les efforts consentis, consciente des enjeux que cela représente pour chacune d’entre vous. Par ailleurs, soyez assurés que je continuerai à défendre les intérêts et la position du Canton auprès des instances fédérales.

Par Isabelle Moret, Conseillère d’Etat, Cheffe du Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine (DEIP).


Situation de l’asile et de l’hébergement

Le conflit en Ukraine a causé le plus grand mouvement de population en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Au 14 mars 2024, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies recensait plus de 6.4 millions de personnes ayant fui l’Ukraine. Au-delà de l’Ukraine, le nombre de personnes cherchant asile est aussi à un niveau historiquement haut. En 2023 et au niveau national, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a enregistré 30 233 demandes d’asile (hors Ukraine), soit le chiffre le plus élevé depuis la crise des réfugiés de 2015-16. Nous faisons face à deux phénomènes simultanés ; d’une part un nombre d’arrivées élevé dans la filière asile « traditionnelle » et un important afflux en provenance d’Ukraine. Le constat est clair : le nombre de personnes accueillies sur le canton de Vaud a plus que doublé, passant de 5430 personnes en février 2022 à 12 660 au 1er avril 2024.

L’année 2022 a été très exigeante. Pour l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), il s’est agi de trouver approximativement 6000 places d’hébergement en quelques mois. Depuis le début de cet afflux, l’EVAM a ouvert une trentaine de foyers d’hébergements collectifs (représentant plus de 2500 places) et loué plus de 700 nouveaux appartements (pour environ 1500 places). Le solde, soit 2000 places, a été trouvé par les bénéficiaires de l’EVAM eux-mêmes. Cet énorme défi a été relevé, en grande partie, grâce à la solidarité des Vaudoises et Vaudois et à celle des communes qui ont ouvert leurs portes à des personnes en quête de protection. Qu’ils en soient, toutes et tous, remerciés.

Même si tous les nouveaux arrivants ont trouvé un toit, il n’en reste pas moins que ce travail s’est effectué dans l’urgence. Cette période de crise aura malheureusement aggravé le déséquilibre dans la répartition des bénéficiaires de l’EVAM à travers le canton. Pour être clair, l’EVAM a trouvé des places là où elles étaient disponibles et abordables. Les régions de montagne ont été particulièrement sollicitées avec la mise à disposition d’appartements de vacances, la location d’anciens EMS ou hôtels, de colonies de vacances. La Riviera aura également été largement mise à contribution avec l’ouverture de foyers dans trois hôpitaux désaffectés de la région.

Les travaux du groupe de travail sur la répartition

Pour initier les travaux, un état des lieux a été réalisé : il s’agissait de rappeler le cadre dans lequel nous évoluons et décrire les enjeux principaux pour les communes et pour l’EVAM.

Dans un second temps, le GT a travaillé à un outil guidant l’EVAM dans sa prospection immobilière. Il s’agit d’une matrice qui indique dans quelle condition l’EVAM peut (ou ne peut pas) s’installer dans une commune. Le document introduit la notion du ratio bénéficiaires de l’EVAM en relation à la population résidente. Ainsi, au 31 mars 2024, le ratio cantonal était de 1.53846 bénéficiaire de l’EVAM pour 100 habitants dans le canton de Vaud. Ce calcul (effectué mensuellement) permet une classification des communes selon un code couleur « vert, jaune, rouge ».

  • Les communes vertes sont les communes dont le ratio est en dessous de la moyenne cantonale. Elles sont donc prioritaires pour l’EVAM dans la recherche de nouvelles places.
  • Les communes jaunes sont celles dont le ratio est égal ou jusqu’à deux fois supérieur à la moyenne. Ce sont des communes où une implantation est possible après validation spécifique.
  • Les communes rouges sont celles qui accueillent plus du double du ratio cantonal. L’EVAM renonce, sauf accord exprès de la commune en question, à des ouvertures de site.

A noter que ce système de couleurs est conditionné à la situation dans le domaine de l’asile. Les notions énumérées ci-dessus sont applicables dans la situation actuelle (qualifiée de tendue). Dans une situation normale (hors crise), les critères sont encore plus restrictifs pour l’EVAM. A l’inverse, dans une situation d’urgence, les critères sont allégés. Les restrictions que l’EVAM s’impose sont donc adaptées en fonction de la situation de chaque commune et de la pression sur le parc de places disponibles sur le canton. A noter que ces provisions ne s’appliquent pas en cas de déclenchement du plan ORCA (plan d’organisation des secours en cas de catastrophe et de situation exceptionnelle).



Finalement, un autre document encadre la collaboration entre l’EVAM et les communes lors d’un projet d’ouverture de foyer. Il s’agit de mieux exposer comment l’EVAM travaille, d’expliquer les critères qui mènent à un choix dans une commune plutôt qu’une autre, de montrer ce que les communes peuvent attendre de l’EVAM et de présenter un exemple de processus d’ouverture de foyer. Le travail du GT se poursuit en 2024 avec le suivi des mesures déjà proposées, un travail autour des écoles et un travail autour des locations d’appartements.

Une page internet regroupe ces travaux ainsi que des données statistiques, elle est disponible depuis janvier 2024 à l’adresse : evam.ch/communes.

Perspectives

Le SEM estime que la Suisse accueillera un nombre de personnes en quête de protection légèrement supérieur en 2024 que l’année précédente. Pour l’EVAM, il s’agit non seulement d’assister et d’accompagner les bénéficiaires actuels mais aussi d’accueillir dignement les nouveaux arrivants. Pour ce faire, l’EVAM doit réaliser quelque 800 places supplémentaires d’ici la fin de l’année. L’aide active et la solidarité des communes est plus nécessaire que jamais pour y arriver. Une adresse email est d’ailleurs à la disposition pour partager des nouvelles pistes de logement : immobilier@evam.ch

Par Luca Bigger, Chef d’Etat-Major de la Task Force pour les questions migratoires à l’EVAM.