Dynamique solidaire entre communes suisses et mauritaniennes

Rédigé le 27/05/2024


Depuis 2009, le partenariat entre Lausanne, plus de 100 communes suisses et Nouakchott en Mauritanie illustre la coopération internationale pour l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, bénéficiant à plus de 200 000 personnes. Retour sur cette collaboration entre des communes aux réalités bien différentes.

La capitale mauritanienne, située au Sahel, fait face à des défis majeurs en termes d’approvisionnement en eau, exacerbés par une urbanisation rapide et les effets du changement climatique. La ville connaît des épisodes météorologiques extrêmes, avec le risque accru d’inondations lors de fortes pluies. De plus, la ville est vulnérable en raison de sa situation en dessous du niveau de la mer et la présence d’une nappe phréatique saumâtre proche de la surface. Dans les quartiers périphériques, la population vit avec moins de 25 litres d’eau par jour et par habitant. Environ 30% de la population n’est pas encore raccordée au réseau d’eau, obligeant de nombreuses personnes à recourir à des moyens alternatifs d’approvisionnement en eau de qualité médiocre et à des prix prohibitifs.

Quinze ans déjà

En 2009, Lausanne et Nouakchott ont uni leurs forces pour former un partenariat qui compte aujourd’hui plus de 100 communes suisses et plusieurs agglomérations françaises. Ce partenariat repose sur le principe du « centime solidaire », où chaque mètre cube d’eau vendu à la population suisse contribue à un fonds dédié à l’amélioration de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement à Nouakchott. Cela équivaut à environ 2 francs pour un ménage de quatre personnes et par année, selon le principe établi par l’initiative nationale Solidarit’eau suisse. Toutes les communes engagées font donc le même effort financier proportionnellement à la quantité d’eau vendue dans leur commune. Une belle dynamique s’est créée entre les communes suisses solidaires qui se rencontrent une fois par année pour discuter de l’avancement des activités réalisées à Nouakchott.

Initialement, le quartier de Tahril avait été choisi comme zone prioritaire du partenariat, en raison de sa vulnérabilité et de l’urgence de sa situation. Au fil des ans, d’énormes progrès ont été réalisés, notamment la pose de 200 kilomètres de conduites, la réalisation de milliers de branchements et la mise en place de campagnes de sensibilisation.

Alors que le partenariat célèbre cette année ses quinze ans, une nouvelle phase a été initiée en juillet 2022, principalement dans la zone de Toujounine. Doté d’un budget de plus de 3 millions de francs, ce nouveau projet bénéficiera à plus de 94 000 personnes d’ici juin 2025. La présidente de la région de Nouakchott, Fatimetou Abdel Malick, joue un rôle central dans le partenariat et dans l’amélioration des conditions de vie des plus défavorisés. Active sur la scène internationale et toujours prête à mobiliser de nouveaux partenaires, la présidente n’en oublie jamais la population locale. Elle se rend en effet fréquemment sur le terrain pour écouter les doléances de la population.



Visite de terrain des partenaires suisses avec l’équipe de projet ainsi que les représentants locaux. © Région de Nouakchott


Une inspiration sur la scène internationale

La force de ce partenariat réside dans le partage de connaissances et le renforcement des compétences, aussi bien au niveau local qu’international. Les équipes de Lausanne et de Nouakchott travaillent main dans la main et échangent quotidiennement pour assurer la pérennité des actions et la gestion efficace des ressources. Les communes suisses qui le souhaitent peuvent également mettre à disposition des ressources humaines pour appuyer le projet. Via les échanges de compétences, la collaboration permet aux expert·es communaux de mieux comprendre la gestion parcimonieuse de l’eau dans des conditions environnementales de crise climatique.

Parallèlement aux réalisations sur place, une démarche qualité a été initiée en 2014 pour garantir la durabilité des infrastructures. Des évaluations régulières et des audits financiers sont réalisés, assurant une gestion transparente et efficace des fonds.

Ce partenariat, salué comme un modèle de coopération décentralisée, inspire d’autres pays et autorités locales à développer des approches similaires pour relever les défis du XXIe siècle. En participant à des événements internationaux tels que le Forum mondial de l’eau et la Conférence des Nations Unies sur l’eau, Lausanne, les communes suisses solidaires et Nouakchott montrent la voie vers un avenir où l’accès à l’eau potable est une réalité pour toutes et tous, peu importe leur lieu d’origine. Les quinze années écoulées sont le reflet d’un modèle de coopération efficace et durable. Ce partenariat illustre l’importance et la pertinence des collaborations internationales dans la lutte pour l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement. Et ce n’est pas près de s’arrêter ! 


Comment devenir solidaire ?

Les communes ou distributeurs d’eau peuvent très facilement devenir solidaires. Le prélèvement des montants doit cependant respecter certaines règles car la Loi vaudoise sur la distribution de l’eau (LDE) ne prévoit pas la possibilité de prélever le centime solidaire sur le compte de l’eau. Trois solutions existent cependant, qui sont expliquées ici par ordre de facilité de mise en œuvre :

  1. Ajouter au budget général (pas sur le compte de l’eau) un montant équivalant à un centime par mètre cube d’eau consommée dans la commune. Il est conseillé dans ce cas d’ajouter une ligne au budget avec un descriptif explicite, afin de mettre en avant l’action menée auprès du législatif.
  2. Financer le centime solidaire par des recettes « hors mission ». Certains distributeurs d’eau ont une activité qui sort du cadre légal de la distribution de l’eau, par exemple la production d’électricité ou la gestion d’un bien immobilier. Le centime solidaire peut être pris sans problème sur ces comptes non affectés.
  3. Ajouter explicitement une ligne sur les factures d’eau, séparée des taxes. Cette nouvelle ligne peut s’intituler « contribution facultative pour la solidarité internationale eau ». Le montant est calculé précisément en fonction des mètres cubes d’eau consommés. Dans ce cas, une information aux clients sur la possibilité de renoncer en tout temps au paiement de cette contribution doit être faite. C’est la seule solution qui fait payer le centime directement au client.

Quelle que soit la solution choisie, la participation au partenariat fait ensuite l’objet d’une facture à l’année. Les communes partenaires reçoivent un rapport annuel décrivant l’avancement du projet. Elles accueillent à tour de rôle la séance annuelle d’information qui permet de riches échanges entre les participant·es.

L’organisation mise en place, avec un suivi quotidien des actions menées sur place, tant du point de vue technique que financier, ainsi que des audits financiers externes lors de chaque phase de projet, garantissent la meilleure utilisation de chaque franc collecté.

Retrouvez la liste des communes suisses solidaires ici.


Photo de couverture : Plus de 200 km de réseaux d’eau posés. © EnHaut

Article rédigé par Vanessa Godat Fakhry, Responsable unité coopération internationale eau.