AVDCH ! Un service communal des habitants, un positionnement stratégique dans l’organisation

Rédigé le 27/05/2024


Les différentes missions incombant au contrôle des habitants ainsi que celles déléguées par la Municipalité sont de plus en plus complexes et plurielles. Il convient ainsi de donner un environnement et des moyens adaptés aux acteurs de terrain afin qu’ils puissent accomplir, de manière optimale, leurs multiples tâches.

L’évolution constante de notre métier depuis ces vingt dernières années modifie considérablement le travail au quotidien des préposé·es et de leur équipe. Cette fonction, souvent méconnue des autres services et de la Municipalité, est pourtant primordiale dans nos communes dans la mesure où le bureau du contrôle des habitants (CH) est le garant du registre communal des personnes, véritable ADN communal.

Bien qu’autonomes dans la réalisation de leurs missions, la majorité des CH sont au niveau organisationnel rattachés à un autre service (greffe, bourse, police communale) et n’ont ainsi pas le même positionnement in fine, les mêmes ressources.

En effet, avec une autorité de surveillance externe dans la réalisation de ses missions traditionnelles, le contrôle des habitants est souvent dissocié et, à ce titre, est l’un des derniers partenaires à recevoir les communications communales ou à être impliqué dans les projets communaux.

Fort de ce constat, plusieurs communes ont décidé de modifier le positionnement de leur contrôle des habitants au sein de la commune. Cela peut se traduire par une reconnaissance du bureau en un service propre ou encore en un repositionnement du/de la préposé·e par rapport à la Municipalité ou simplement en intégrant le·la préposé·e dans la vision stratégique communale.

Bussigny : un contrôle des habitants érigé au rang de service

A compter du 1er janvier 2024, la Municipalité de Bussigny a décidé de promouvoir l’office communal de la population au statut de service communal de la population.

Le développement important que connaît Bussigny depuis plus de dix ans, la complexification des tâches et la transversalité de plus en plus incontournable de ses missions ont amené la Municipalité à repenser la place de l’office communal de la population et de sa responsable dans l’organisation et le fonctionnement communal.

Au terme d’une réflexion approfondie, elle a ainsi décidé de promouvoir l’office communal de la population, composé également de la réception communale, au rang de service communal de la population. Ce repositionnement organisationnel ainsi que sa nouvelle appellation permettent de favoriser les synergies interservices afin de répondre aux besoins mutuels de manière proactive et constructive tout en anticipant les changements législatifs du domaine de compétences qui interviendront prochainement.

Retour sur cette décision par un entretien avec Madame Patricia Spack Isenrich, syndique de Bussigny, et Madame Yeliz Mathy, nouvellement nommée cheffe de service.

Question pour Madame Mathy : Pourquoi avez-vous senti le besoin de faire une analyse afin de promouvoir l’office en service ?

YM : Il convient de préciser que l’idée première n’était pas de promouvoir l’office communal de la population en service. En effet, cela fait quelques années que je cherchais une solution concernant des problématiques de ressources afin d’accomplir nos tâches. J’ai toujours voulu mettre en avant l’optimisation de notre travail, de recherche d’efficience et surtout maintenir une excellente qualité de prestations. Mais malgré nos efforts, je manquais de ressources en termes d’informations, d’intégration et de légitimité et je perdais beaucoup de temps à trouver les informations nécessaires auprès des autres services communaux.

Toujours en collaboration avec le secrétaire municipal, mon ancien supérieur hiérarchique, nous avons pensé à plusieurs options pour pallier ces problématiques comme, par exemple, en participant à des groupes de travail communaux, au comité de pilotage communication ou encore à une séance des chefs de service. Mais cela ne répondait que très peu à nos besoins. Il faut comprendre que nous touchons à de nombreuses politiques publiques comme le logement, le stationnement, la promotion économique avec les entreprises, etc. Nous sommes donc amenés à collaborer étroitement avec les autres services communaux qui travaillent également sur ces mêmes politiques, mais à un autre niveau dans le processus de la politique publique.

Ces présences ponctuelles n’étaient donc pas suffisantes, ce qui m’a amenée à rédiger une analyse organisationnelle et soumettre ainsi une proposition à la Municipalité afin de reconnaître l’office au même titre que les autres services. Mon objectif final était ainsi de répondre à nos besoins pour accomplir nos missions.

Comment avez-vous analysé la situation de l’office ?

YM : J’ai analysé la situation en plusieurs étapes (et sur plusieurs années). Dans un premier temps, j’ai beaucoup détaillé le rapport afin que la Municipalité puisse comprendre ce que nous faisons et surtout le contexte général. J’ai ensuite expliqué la problématique générale notamment sous l’angle du manque des ressources et de la dépendance que nous avons par rapport aux autres services. J’ai ainsi pu montrer la difficulté d’avoir à la fois une autorité de surveillance cantonale (le SPOP (service de la population de l’Etat de Vaud)) pour le contrôle des habitants ainsi que le bureau des étrangers et une autorité interne pour les autres tâches déléguées par la Municipalité. J’ai également schématisé et listé nos partenaires vu la pluralité et la complexité de nos missions et, finalement, j’ai démontré dans le rapport que nous ne sommes pas cantonnés au niveau opérationnel. Il est en effet important de comprendre le cycle de vie des politiques publiques dont le niveau opérationnel ne constitue qu’une partie. Aussi, pour que la prestation soit délivrée de manière optimale, il est important d’avoir une vision générale de l’ensemble de la politique en question.

A-t-il été simple de faire un rapport transcrivant vos analyses ainsi que la réalité du terrain pour la Municipalité ?

YM : Ce n’était pas une tâche très simple mais ce sont des éléments que l’on vit au quotidien donc je savais exactement de quoi je parlais. Par contre, c’était un travail très enrichissant de pouvoir prendre de la hauteur sur nos tâches afin d’évaluer nos mécanismes de fonctionnement interne et cibler nos besoins. A noter que j’ai effectué cette démarche dans le cadre de l’évaluation de fin d’année qui est un timing qui se prête très bien aux différentes évaluations (individuelle, équipes, fonctionnement). Ce rapport a été discuté en amont avec le secrétaire municipal qui a validé la démarche, démarche soutenue par la syndique ainsi que la cheffe de service ressources humaines (RH).

PSI : Bussigny est en pleine croissance depuis ces dernières années, les tâches augmentent dans tous les services donc le rapport faisait totalement sens. La problématique ainsi que les éléments du rapport étaient très bien expliqués et, par conséquent, une décision favorable a suivi. Les enjeux étaient clairs et, pour la Municipalité, il était évident que l’office de la population a des informations indispensables pour les autres services et vice versa. La Municipalité a adhéré à la solution proposée, soit de légitimer l’office en service et ainsi de promouvoir Madame Mathy au rang de cheffe de service.

Et pour vous, Madame Spack Isenrich, quel a été l’élément percutant dans le rapport de Madame Mathy pour la prise de décision ?

PSI : C’était surtout de comprendre cet appel à l’aide de Madame Mathy dans l’atteinte de ses missions, par manque de communication et d’information dans les politiques publiques communales. Madame Mathy avait naturellement des contacts et échanges avec les partenaires externes mais, en interne, ce n’était pas toujours le cas.

Est-ce que l’argument financier aurait pu être un frein à la prise de décision ?

PSI : Non, en aucun cas. Pour des questions budgétaires, nous aurions pu devoir reporter la décision mais, dans les faits, cela n’a pas été le cas.

Aujourd’hui, trois mois après, quelle est la plus-value pour vous ?

YM : J’ai des échanges réguliers avec Madame Spack Isenrich pour nos séances de direction. Je suis légitime ainsi que mon équipe auprès des autres services et auprès de la Municipalité. J’ai accès aux mêmes informations que mes collègues chefs de service et suis intégrée dès le début des projets. Je peux également exposer rapidement certains enjeux. J’apprécie également de travailler avec la syndique qui est avocate, nous pouvons ainsi échanger sur de meilleures méthodologies d’action et sur certaines problématiques. Pour l’équipe, cela a été une réelle reconnaissance du travail accompli durant ces dernières
années et enfin une légitimité dans l’organisation de la commune.

PSI : Il est encore tôt pour faire le constat d’une plus-value au sein du fonctionnement des chefs de service mais il est évident que la situation est bénéfique s’agissant de la transmission des informations. En ce qui me concerne, j’ai une meilleure connaissance des problématiques rencontrées par le service communal des habitants et surtout de leur réalité. Nous nous rencontrons une fois par mois à ce jour et selon l’actualité.

Un conseil ou une recommandation pour vos homologues des autres communes ?

YM : Je pense qu’il est important de prendre de la hauteur pour analyser globalement la situation, prendre de la distance avec le métier pour apporter une vision objective et constructive. Il faut surtout prendre le temps de contextualiser et poser les problématiques et les points d’amélioration. Il n’est pas toujours évident, lorsqu’on est passionné par son métier, de pouvoir prendre la distance nécessaire à l’analyse organisationnelle et managériale. Il est toutefois possible de se faire coacher dans cette démarche, soit par l’association faîtière, soit par un mandat externe. La nouvelle Loi sur le service des habitants va également être la bonne occasion de légitimer le positionnement de certains contrôles des habitants, notamment celui des villes du canton.

PSI : Il y a certainement des communes dotées d’un service RH ayant les compétences permettant également cette analyse. Cette ressource interne peut être exploitée. Par contre, je ne préfère pas donner de conseil mais je dirais que ce changement s’inscrit dans le but d’avoir une meilleure efficience de notre administration et que nous avions tout à y gagner. Cela sera utile à nos citoyen·nes, à une meilleure information à chaque niveau et une meilleure connaissance de notre administration.

Photo ci-dessus : Madame Patricia Spack Isenrich (à droite), syndique de Bussigny, et Madame Yeliz Mathy, cheffe du service communal de la population depuis le 1er janvier.


Le comité remercie Mesdames Mathy et Spack Isenrich pour leur disponibilité et réitère ses sincères félicitations à Madame Yeliz Mathy pour sa promotion en qualité de cheffe de service et souhaite à la ville de Bussigny succès et prospérité pour la suite. 


Reconnaissance, un objectif du comité !

Depuis ces dernières années, notre association travaille sur la reconnaissance de notre métier et surtout de la fonction dans nos communes. Les formations ont été renforcées et des nouvelles ont vu le jour. Le comité est représenté dans de nombreux groupes de travail au niveau cantonal et dès que l’occasion est donnée, le comité présente notre profession aux partenaires, aux syndics et aux préfets. Ce travail de reconnaissance s’inscrit dans les objectifs de l’AVDCH. Nous continuerons cette année encore à mettre en place le maximum d’actions pour y parvenir.


Article rédigé par Evelyne Rouge, Cheffe d'office contrôle des habitants à Aigle, et Teuta Jakaj, Cheffe de service contrôle des habitants à Ecublens.